Ce 3ème projet de code de bonnes pratiques compromet les objectifs du règlement sur l'IA, contrevient au droit européen et ignore l'intention initiale du législateur européen. Par conséquent, nous ne pouvons y apporter notre soutien.
Vous trouverez ci-dessous la déclaration commune d’une large coalition d'organisations de créateurs et de titulaires de droits, dont notre plateforme européenne IMPALA, qui s'oppose fermement au texte.
Helen Smith, présidente exécutive d’IMPALA : "Le règlement sur l'IA était censé favoriser une IA responsable tout en donnant aux créateurs et aux titulaires de droits européens les outils nécessaires pour exercer et faire respecter leurs droits. Ce projet ne remplit aucun de ces objectifs. Nous ne pouvons donc le soutenir. Nous préférerions ne pas avoir de code du tout plutôt que d'avoir ce texte franchement inadmissible".
L'un des principaux objectifs du règlement sur l'IA est de donner aux auteurs, aux artistes-interprètes et autres titulaires de droits les moyens d'exercer et de faire respecter leurs droits en exigeant des fournisseurs d'IA à usage général (GPAI) qu'ils mettent en place des mesures pour se conformer à la législation européenne sur le droit d'auteur, notamment en fournissant un résumé suffisamment détaillé des œuvres ayant servi à l’entraînement des modèles. Le législateur européen en a fait un élément clef du développement de l'IA en Europe et de la protection des secteurs créatifs de l'UE.
Cependant, la 3ème version du projet de Code de bonnes pratiques portant sur les GPAI ne permet pas de remplir cet objectif. Elle crée une incertitude juridique, interprète mal la législation européenne sur le droit d'auteur et affaiblit les obligations énoncées dans le règlement sur l'IA lui-même. Plutôt que de fournir un cadre solide compatible avec les exigences du règlement, elle révise à la baisse ces dernières et empêche de facto les auteurs, interprètes et autres ayants droit de faire respecter leurs droits. Plus grave encore, elle ne garantirait pas non plus la mise en conformité des fournisseurs de GPAI avec la législation européenne sur le droit d'auteur ou avec le règlement.
Nous avons pourtant participé de manière constructive au processus de rédaction et avons apporté des commentaires substantiels aux versions précédentes du Code, afin d’en réparer les graves lacunes. Cependant, les rédacteurs du Code ont largement ignoré ou rejeté ces commentaires. Par conséquent, cette 3ème version du projet ne répond pas aux exigences du règlement sur l'IA et ne devrait donc pas être approuvée sans améliorations substantielles. Nous préfèrerions une absence de Code à ce projet fondamentalement défectueux.
À plusieurs endroits, le texte réclame des fournisseurs de GPAI qu’ils fournissent des "efforts raisonnables" pour garantir le respect de la législation européenne sur le droit d'auteur, une formulation largement insuffisante. Le projet affaiblit la responsabilité des fournisseurs de GPAI, qui doivent faire preuve d'une diligence raisonnable pour s'assurer que les ensembles de données de tiers qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles ne violent pas le droit d'auteur. Le texte ne ferait pas qu’éliminer toute obligation de diligence raisonnable, il risquerait également d'inciter les fournisseurs de GPAI à recourir à des contenus illicites.
Le texte ne fournit pas non plus d’instructions claires quant aux obligations des fournisseurs de GPAI doivent faire pour se conformer aux réserves de droits. Il suggère en outre que ceux-ci pourraient se conformer à l'exigence d'"accès licite" uniquement en adhérant à des mesures techniques de contrôle d'accès, associées à des « efforts raisonnables » pour n'exclure de l’entraînement des modèles qu'un ensemble restreint et incomplet de sites de piratage. Or l'accès licite est une condition obligatoire pour pouvoir bénéficier des exceptions de fouille de textes et de données (TDM). En plus de mal interpréter la législation européenne sur le droit d'auteur, elle ne reflète pas non plus les réalités de la distribution en ligne de contenus illicites.
Par ailleurs, le texte supprime entièrement les exigences de transparence qui s’appliquent aux méthodes des fournisseurs de GPAI en vue de respecter la réserve des droits : en effet, ils ne seraient pas tenus de divulguer s’ils se conforment aux réserves de droits exprimées par ayants droits, ni de quelle manière. Malgré une forte opposition et des explications détaillées sur son inadéquation, robots.txt est toujours considéré comme la seule méthode que les fournisseurs de GPAI doivent reconnaître et à laquelle ils doivent répondre, tandis que les autres méthodes de réserve sont ignorées ou traitées comme facultatives, en contradiction directe avec le droit communautaire.
En outre, la procédure de plainte pour infraction du droit d'auteur introduite par le texte ne mentionne pas les mesures que les prestataires GPAI devraient prendre pour les résoudre, ce qui vide de sa substance le dispositif.
Le Code de bonnes pratiques devrait prévoir des mesures appropriées pour faciliter et persuader les modèles GPAI de respecter les deux principes fondamentaux de la législation sur le droit d'auteur : ils devraient demander une autorisation préalable et s'abstenir de toute utilisation non autorisée de matériel protégé par le droit d'auteur. Le texte devrait également préciser, comme l'a expliqué la vice-présidente Virkkunen dans sa réponse récente à une question parlementaire, que les obligations prévues par règlement sur l'IA s'appliquent dès qu'un fournisseur de GPAI lance son modèle sur le marché européen, quel que soit son lieu d'établissement ou le lieu d’entraînement de son modèle.
Le Code doit également être associé à un modèle efficace de "résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour l’entraînement", afin de permettre aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux autres titulaires de droits d'exercer ou de faire respecter leurs droits de manière efficace. Une transparence significative et exploitable sur le contenu utilisé pour l’entraînement et à d'autres fins, ainsi que sa divulgation, est non seulement possible, mais nécessite un faible effort technique ou financier. L'utilisation abusive de la législation sur les secrets des affaires pour dissimuler des infractions viderait cette obligation de son sens et entraverait le droit fondamental des titulaires de droits.
Pour toutes ces raisons, la 3ème version du projet de Code de bonnes pratiques est totalement inacceptable. Nous ne pouvons pas soutenir le texte dans sa version actuelle.